Version imprimable | Recommander cet article
La société PRECEPTA, filiale du Groupe XERFI, leader français des études sectorielles, vient d’achever son nouveau rapport d’observation de la Profession Comptable Libérale. Une étude pointue intitulée : Les cabinets d’audit et d’expertise-comptable, positionnement et stratégie de croissance des cabinets dans le contexte de l’économie française.
Ludovic MELOT, directeur d’études chez PRECEPTA, dévoile en exclusivité pour Espace Innovation le contexte de ses recherches et les grandes tendances de cette étude, actuellement disponible à la vente. Une information très utile pour décrypter l’évolution de votre profession.
.
Espace innovation : Ludovic MELOT, quelques mots sur la société PRECEPTA :
L.MELOT : La société PRECEPTA est la filiale du groupe Xerfi dédiée aux études stratégiques et concurrentielles.
La vocation de Precepta est d’apporter aux dirigeants d’entreprises des analyses stimulantes sur leur métier et leur environnement, dans le but de les aider à élaborer leurs décisions.
Les études de Precepta sont réalisées à sa seule initiative, ce qui assure aux analystes une totale indépendance et leur offre une grande liberté de ton.
Espace innovation : Comment avez-vous réalisé cette étude ?
L.MELOT : Les informations présentées dans l’étude sont issues de plusieurs types de sources :
- des bases de données internes : le groupe Xerfi réalise chaque année plus de 500 études sur les différents secteurs de l’économie. Cette connaissance fine des secteurs permet de donner une bonne vision de l’environnement des experts-comptables.
- les comptes des cabinets. L’évolution de l’activité et des marges de la profession repose sur des échantillons exclusifs construits à partir des comptes déposés auprès des greffes des tribunaux de commerce.
- La presse professionnelle, la presse généraliste et les sites des opérateurs.
- Des entretiens en face-à-face avec des dirigeants de cabinets comptables...
Espace innovation : Depuis la dernière édition en 2006 l’environnement de la Profession a-t-il vraiment changé ?
L.MELOT : Difficile de parler de véritable rupture dans l’environnement des professionnels du chiffre ; les évolutions sont en effet plutôt linéaires. Globalement, les cabinets évoluent dans un environnement favorable : la croissance et les perspectives à court terme de l’économie française ne sont certes guère impressionnantes, mais les bouleversements réglementaires et démographiques à l’œuvre offrent de belles opportunités aux opérateurs.
Cela dit, si l’environnement est favorable il est également extrêmement mouvant :
- l’inflation réglementaire. Des nouvelles réglementations qui sont généralement génératrices de business pour les professionnels du chiffre, mais qui peuvent également être synonymes de menaces (Cf. les projets de simplifications administratives et comptables, certains aspects du nouveau code de déontologie des commissaires aux comptes…)
- les bouleversements démographiques, qui ont des impacts positifs sur l’activité des cabinets (notamment pour des missions de transmission d’entreprises…), mais qui posent également des problèmes d’organisation aux cabinets : les experts-comptables ne sont pas épargnés par les mouvements démographiques.
- l’évolution de la demande des entreprises : rationalisation des processus d’achats de prestations intellectuelles (référencement, mise en concurrence, services achats…), explosion des demandes de mise en conformité dans le sillage des nouvelles réglementations, développement soutenu de la demande de prestations internationales (y compris de la part de PME), forte croissance de la demande de prestations de conseil...
L’environnement est donc globalement favorable, mais il évolue rapidement. Autrement dit, les cabinets vont devoir rapidement s’adapter à ces changements s’ils veulent profiter de la manne.
Espace innovation : Quelles sont les menaces de l’environnement de la Profession ?
L.MELOT : Difficile de répondre de façon globale à cette question tant la profession est diverse. Difficile en effet de trouver des points communs entre un grand réseau présent dans le monde entier, un cabinet français intervenant sur l’ensemble du territoire, un cabinet opérant à l’échelle régionale ou encore à une petite structure cantonnée à l’échelle locale :
- principales menaces pour les Big : le code de déontologie des CAC qui fait exploser les risques d’incompatibilités, les tensions sur les ressources (déficit de cadres avec quelques années d’expérience, concurrence des cabinets de conseil et des banques sur les meilleurs profils, hausse du turn-over…), la concentration du marché de l’audit légal (en cas de défaillance de l’un d’eux, le système aurait toutes les chances d’exploser), etc. ;
- principales menaces pour les cabinets d’envergure nationale : la mainmise des Big sur le marché de l’audit légal des grands comptes, l’arrivée en force des poids lourds sur le mid-market (en matière d’audit comme en matière de conseil), les difficultés à développer une offre internationale, la concurrence sur les ressources (la matière grise)… ;
- principales menaces pour les cabinets de plus petite taille : la difficulté de développer une offre pluridisciplinaire (et de bien intégrer ces nouvelles compétences : les cabinets doivent développer une offre de conseil, mais leur cœur de métier reste le chiffre), la concurrence des centres de gestion agréés (une concurrence qui est de plus en plus organisée), le délai de viduité du nouveau code de déontologie...
Espace innovation : Quelles sont en revanche les sources d’opportunités ?
L.MELOT : Les problématiques des entreprises sont de plus en plus complexes (réglementations, mondialisation, concurrence…). Elles ont besoin de conseil (organisation, fiscalité, droit social, droit du travail, fusacqs…) et elles sont nombreuses à considérer que l’expert-comptable est le professionnel le plus apte à les accompagner dans leur développement.
Espace innovation : Quels sont les défis dans ce contexte ?
L.MELOT : Dans ce contexte, les défis qui attentent les professionnels du chiffre sont nombreux :
1/ Développer une offre qui réponde aux nouvelles attentes des entreprises ; en interne pour les plus grandes structures ou via la mise en commun de ressources pour les plus petites (avec d’autres cabinets comptables ou avec des professions connexes).
2/ Apprendre à facturer ces nouvelles prestations. Les experts-comptables ont toujours donné des conseils à leurs clients (c’est leur métier) ; il est maintenant grand temps de les vendre.
3/ Démontrer la valeur ajoutée de ses prestations à ses clients : une condition sine qua non à une facturation rentable des prestations de conseil. Cette démonstration nécessite toutefois de profonds bouleversements dans l’approche du marché et dans les pratiques des cabinets :
- La mise en place d’une politique de marketing de l’offre : un impératif à l’heure où la profession s’ouvre à la communication et où les cabinets de taille moyenne ne peuvent faire l’impasse sur le développement de leur activité de conseil. Mais si le marketing n’est pas un gros mot, il doit impérativement, pour être efficace dans la durée, reposer sur des fondements solides.
- Une politique de communication ne sera en effet efficace que si elle repose sur une véritable stratégie d’image ; elle-même supposant un positionnement clair pour les clients, pour les prospects, mais également pour les équipes en place. Partir la fleur au fusil en déclarant « désormais on fait du conseil » est une stratégie vouée à l’échec. Si tant est que l’on puisse parler de stratégie dans ce cas…
- Tous ces éléments supposent que les cabinets aient mené en amont une véritable réflexion sur leur identité et sur ce qui les différencie profondément de leurs concurrents (c’est en effet le fondement d’une stratégie de marque efficace). Car si la lisibilité de l’offre est relativement claire lorsqu’il s’agit de prestations réglementées, les choses se compliquent grandement pour les prestations non réglementées.
- Faute de réflexion identitaire et de positionnement clair pour les clients, les experts-comptables continueront de souffrir de ce que M. Ralph Hababou appelle le « syndrome de l’éboueur » : l’éboueur dont on ne mesure l’utilité et la valeur ajoutée pour la collectivité que lorsqu’il arrête de ramasser les ordures dans les rues.
4/ Renforcer (voire mettre en place pour certains) une véritable politique de gestion des ressources humaines. Alors que la grande majorité des entreprises doit gérer les départs à la retraite des baby-boomers, les tensions sur le marché de l’emploi des jeunes diplômés et des cadres expérimentés ne cessent de se renforcer. Dans ces conditions, les métiers de l’audit et du conseil, sans politique RH effectivement fondée sur les ressources humaines, ne pourront attirer autre chose que des mercenaires. Or, compte tenu de la complexification des attentes des clients et des tensions qui pèsent sur le marché du recrutement des cadres, constituer des équipes de mercenaires équivaut à aller droit dans le mur en klaxonnant. Les cabinets d’audit et d’expertise comptable doivent donc être en mesure, outre une politique de rémunération attractive, de proposer :
- des carrières mieux balisées et plus axées sur l’international ;
- des missions plus variées et plus intéressantes ;
- une plus grande diversité des activités : travaux transversaux, communication à l’extérieur du cabinet, participation à la phase commerciale...
- une meilleure prise en compte des aspirations individuelles des collaborateurs : temps partiel, congés sabbatiques, missions humanitaires, etc. ;
- le tout en continuant naturellement de miser sur la formation des équipes en place et, pourquoi pas, en diversifiant un peu la nature des profils recrutés (ce que certains cabinets commencent d’ailleurs timidement à faire).
Pour résumer, les experts-comptables doivent passer du statut de prestataire de services à celui d’entreprise de services. Une véritable révolution qui aura des conséquences majeures sur l’organisation et les façons de travailler des cabinets : réflexion identitaire, positionnement, stratégie marketing, politique de management et de gestion des ressources humaines, mise en place de process de reporting et de gestion...
Espace innovation : Le marché du conseil est plus que jamais d’actualité ; existe-t-il un seul marché du conseil, comment le décrivez-vous ?
L.MELOT : La réponse est évidemment non. Il existe plusieurs marchés du conseil : toutes les entreprises (y compris les plus petites) sont demandeuses de prestations de conseil, mais toutes n’ont pas les mêmes attentes et la même capacité contributive. Pour simplifier à l’extrême, on peut distinguer deux grandes catégories :
- d’un coté les entreprises dirigées par leur(s) actionnaire(s). Des entreprises dont les dirigeants ont par définition des préoccupations de développement à long terme (et qui engagent rarement des dépenses à la légère). Ces entreprises ont plus besoin d’un conseil de type « accompagnement », ce qui suppose une grande proximité, une relation de long terme avec les chefs d’entreprises… ; plus l’entreprise est petite et plus le service doit être « packagé » pour assurer un bon rapport « utilité pour le client / rentabilité pour le cabinet ».
- de l’autre, des sociétés ou des groupes dirigés par des managers, souvent talentueux certes, mais la plupart du temps « de passage ». Des dirigeants qui sont de plus en plus soumis à des impératifs de rentabilité à court terme et qui ont souvent l’œil rivé sur le cours de Bourse... Ces entreprises sont plutôt demandeuses d’un conseil de type « amélioration de la performance », ce qui réclame une offre globale, des process « industrialisés », une capacité d’intervenir hors des frontières...
Espace innovation : L’effet du papy boom va-t-il accélérer la concentration des cabinets ?
L.MELOT : Sans aucun doute. Comme je l’ai dit précédemment, les experts-comptables n’échappent pas aux lois de la démographie et le nombre de transmissions de cabinets va lui aussi exploser dans les années à venir. Un mouvement inéluctable qui peut certes représenter une opportunité pour des patrons de cabinets qui ont préparé leur passage de témoin, mais qui peut également se révéler dangereux (dramatique ?) pour ceux qui n’ont rien anticipé (et ils sont nombreux) ou dont le positionnement n’est pas susceptible d’intéresser un repreneur. Deux grands mouvements devaient donc renforcer la concentration des cabinets :
- les rachats de cabinets par les poids lourds qui cherchent à se renforcer dans les régions (Deloitte, PwC…) ;
- les rachats de cabinets par des opérateurs de taille similaire, qui souhaitent soit élargir leur champ d’action géographique, soit élargir la gamme de leurs prestations.
Cette concentration de la profession est d’autant plus inéluctable que la question de la taille est plus que jamais une composante fondamentale pour les professionnels du chiffre. Toutes les catégories de cabinets sont en effet aujourd’hui confrontées à un problème de taille :
- les poids lourds ont atteint la taille critique depuis longtemps. Cela dit le mouvement vers le mid-market que l’on observe chez la plupart d’entre eux de glissement, voire même sur le marché des PME, les condamne à se renforcer dans les régions ; le plus souvent via le rachat de cabinets ;
- les poids moyens, qui doivent lutter à la fois contre la concurrence des poids lourds et composer avec la complexification de la demande de leur clientèle de PME (offres globales en termes de métiers comme en termes géographiques), se sont également lancés dans la course à la taille ; via des rachats ou via des regroupements avec des cabinets de taille comparable ;
- les petits cabinets sont également confrontés, à leur échelle, à un problème de taille critique, hormis ceux naturellement qui se cantonnent à des prestations classiques d’expertise comptable avec leur clientèle historique. Pour ceux qui souhaitent (ou qui doivent) développer une offre pluridisciplinaire, la seule voie est la mise en commun de ressources : avec des cabinets d’autres localités et/ou spécialisés sur d’autres segments du marché. Ou encore avec d’autres corps de métiers : avocats, consultants, notaires, etc. Ce type de regroupement ou d’alliance se multiplie, ce qui pourrait déboucher à terme sur la constitution de structures à même de concurrencer les poids moyens. Et donc susciter de nouveaux bouleversements du paysage concurrentiel...
Espace innovation : Parmi les questions évoquées dans la Profession, celle de l’ouverture du capital des cabinets à des « professionnels » non diplômés dans des proportions majoritaires ; pensez-vous que c’est un point de bouleversement de la Profession ?
L.MELOT : Assurément. Une telle mesure aurait notamment pour effet d’accélérer la transition des cabinets d’un statut de profession libérale à un statut d’entreprise de services. Reste maintenant à savoir si ce saut représente une bonne chose dans une profession où l’essentiel des revenus reste largement issu de prestations réglementées…
Espace innovation : Les experts-comptables sont censés connaître leur marché : quels intérêts ont-ils à acquérir votre étude ?
L.MELOT : J’en vois plusieurs :
- l’expérience montre que les professionnels des secteurs que nous étudions (et, là encore les experts-comptables n’échappent pas à la règle) ont rarement une vision d’ensemble de leur environnement. Ils sont souvent le « nez dans le guidon » et leur réflexion peut être altérée par la gestion du quotidien. Un des principaux objectifs de notre étude est de les aider à prendre un peu de recul par rapport à leur pratique de tous les jours, à voir ce qui se fait dans d’autres cabinets, dans des professions connexes… ;
- n’étant pas expert-comptable moi-même, mon travail peut apporter un œil « neuf » aux experts-comptables sur leur environnement. Autrement dit, cette étude permet de voir comment un observateur extérieur (mais attentif) appréhende les évolutions de la profession. Or si cet observateur perçoit les choses de telle ou telle façon, il y a fort à parier que les clients fassent de même ;
- enfin, outre les analyses de l’environnement et du positionnement concurrentiel des cabinets, l’étude de Precepta présente une multitude de données chiffrées. Des données (généralement très appréciées des experts-comptables), qui permettent aux lecteurs de mesurer les évolutions de l’activité et des marges de la profession, mais également de se livrer à un benchmark de leurs principaux concurrents…
Espace innovation : La connaissance des secteurs des clients est un élément de différenciation des cabinets ; dans ce contexte, quelle est l’offre d’accompagnement du groupe XERFI pour les experts-comptables ?
L.MELOT : Les études du groupe Xerfi apportent la connaissance nécessaire de l'évolution des marchés de leurs clients. Ils peuvent situer les performances de leurs clients par rapport à la santé du marché, et les comparer à celles de leurs concurrents et à celles du panel d'entreprises analysé par Xerfi en exclusivité. Les prévisions de Xerfi leur permettent également de les aider dans la réalisation de comptes prévisionnels.
Catalogue des études en ligne :
http://www.xerfi.fr/catalogues/catalogue.pdf
Espace innovation : Le mot de la fin…
L.MELOT : Le marché de l’audit et de l’expertise comptable ressemble aujourd’hui de plus en plus à un immense jeu de Go. Un jeu de Go où les mouvements des Big (abandon d’une part de leurs missions de conseil, recentrage sur l’audit légal, conquête du marché des grosses PME, remise sur pied d’imposantes divisions de consulting, opérations de croissance externe…) libèrent des interstices dans lesquels peuvent (doivent) s’immiscer les cabinets de taille moyenne.
Les mouvements de ces cabinets de taille moyenne (repositionnement de leur offre vers plus de pluridisciplinarité, expansion géographique, course à la taille critique…) créent eux-mêmes des opportunités pour des cabinets de plus petite taille. Des cabinets de petite taille qui ont alors un argument extrêmement fort à faire valoir : leur connaissance du tissu industriel local et leur proximité avec les dirigeants d’entreprise(s).
In fine, toutes les catégories de cabinets présentent des opportunités de croissance et de rentabilité. A condition toutefois qu’ils soient en mesure de s’adapter aux mutations de leur environnement. Des mutations qui sont de plus en plus profondes et de plus en plus rapides ; qu’elles soient d’ordre réglementaire, démographique ou qu’elles émanent des évolutions de la demande des entreprises ou du paysage concurrentiel des métiers du chiffre.
Espace Innovation : Ludovic MELOT, merci.
--------------------------------------------------------------------------------------------
Présentation de l’étude : cliquer
Comment se procurer cette étude ?
- En ligne : en suivant ce lien
- Ou en prenant contact avec XERFI, coordonnées :
http://www.xerfi.fr/FR/POPUP_ContactezNous.htm
je participe à cette analyse , je voudrai rajouter que les cabinets sont pour la plus part positionnes sur une politique de l'offre alors que ces derniers devraient travailler sur l'analyse des besoins donc sur la demande sachant que le chef d'entreprise est en demande de conseil operationnel
bertrand.sacaze
Rédigé par : immersion | 05 juin 2008 à 11:32
Il faut arrêter de confondre les centres de gestion agréés qui ne tiennent pas de comptabilité et qui sont des partenaires de la profession comptable et non des concurrents avec les Associations de gestion et de comptabilité qui sont intégrées maintenant dans l'ordre et qui exercent sous forme associative (cf.ordonnance de 45 )
Rédigé par : NIRO | 06 juin 2008 à 11:04