Sous l’effet combiné de la crise financière et de l’augmentation régulière du nombre de retraités, la situation financière des régimes obligatoires de retraite s’aggrave bien au-delà de ce qui était envisagé par la réforme Fillon de 2003.
Pour éviter la dérive des comptes, les pouvoirs publics recourent à des mesures techniques de tous ordres.
L'an prochain, le gouvernement ouvrira ainsi une nouvelle étape devant conduire à une nouvelle évolution des régimes de retraite.
Parmi les pistes possibles, les experts-comptables doivent être particulièrement attentifs à la remise en cause programmée des pensions de réversion.
Si elle se poursuit telle qu'elle a d'ores et déjà été engagée au sein des régimes des artisans et des commerçants, il y a fort à parier que les conjoints survivants ne percevront guère de pensions dans les prochaines décennies.
Faisons le point de la situation actuelle et les évolutions prévisibles.
1. Les pensions de réversion : quelles logiques dans le système actuel de retraite
Avant tout, il faut bien comprendre le dispositif de la pension de réversion au sein du système français de retraite. Ce qui frappe en premier lieu, c’est que la réversion s’inscrit dans une logique très différente selon le régime qui les sert. Deux logiques sont ainsi à l’œuvre :
- La réversion du régime de base constitue un minimum social
Les droits sont ici d’un montant très limité (au maximum, la pension est égale à 27% du plafond de sécurité sociale, portée dans certains cas à 30%). De plus, la pension est réservée aux conjoints survivants dont les ressources financières sont faibles. En effet, pour percevoir cette pension, les revenus personnels du conjoint vivant seul ne doivent pas excéder 2 080 Smic horaire, soit près de la 1/2 du plafond annuel de sécurité sociale. La réversion des régimes de base constitue en quelque sorte le premier niveau du minimum vieillesse. Historiquement d’ailleurs, elle fut instaurée après les pensions des veuves de guerre (1919) et avant le Fonds National de Solidarité (1956). - La réversion des régimes complémentaires : un transfert de droits
Les droits servis par les régimes complémentaires obligatoires s’inscrivent quant à eux totalement dans une logique de transfert des droits.
De cette manière, plus l’assuré disposait de droits élevés à retraite, plus ceux de son conjoint survivant seront importants. - La réversion des régimes supplémentaires : une logique d’assurance
Cette logique commune à l’ensemble des régimes complémentaires s’applique de la même façon pour les régimes supplémentaires (Madelin, Perp, Art 83,…).Dans ces deux derniers cas, ce qui va faire la différence est la « carrière matrimoniale » de l’assuré. En effet, s’il se marie à plusieurs reprises et que les premières épouses ne se remarient pas, elles se partageront – le plus souvent au prorata de la durée de mariage – le montant global de la réversion. La dernière épouse risque alors de ne pas toucher grand-chose… (sans parler de la situation du divorcé qui ne se remarie pas et refait sa vie avec une concubine ou en se pacsant. Dans ce cas, sa partenaire ne percevra rien au titre de la réversion).
Au final, les régimes complémentaires obligatoires et les régimes supplémentaires constituent la réalité des pensions de réversion des conjoints survivants des cadres, des dirigeants et des professionnels libéraux.
2. Pour les conjoints survivants : les évolutions récentes qui vont dans le mauvais sens
Les remises en cause des pensions de réversion sont déjà à l’œuvre au sein des régimes complémentaires.
Elles concernent des régimes complémentaires qui ont rencontré de graves difficultés par le passé. Il s’agit de celui des commerçants et des artisans.
Arrêtons-nous ici un peu pour bien comprendre ce qui s’est passé et où nous en sommes aujourd’hui
- Le régime complémentaire des commerçants fut le premier à instaurer une condition de ressources
Ce régime fut institué à l'occasion de la réforme Fillon en remplacement d'un dispositif original mais financièrement déséquilibré qui s'appelait « le régime des conjoints » jusqu'alors géré par Organic.
La réforme initiée en 2004 se traduisit bien évidemment par une hausse de cotisation :
À ce jour, le montant des cotisations est ainsi de 6,50% et calculé sur la base d’un revenu professionnel limité à 3 plafonds annuels de sécurité sociale.
Par rapport à l’ancien régime des conjoints, les sommes à acquitter au NRCO sont plus coûteuses qu’avant, particulièrement pour les revenus dépassant le plafond de sécurité sociale.
Mais le plus intéressant est que si pour les droits de l’assuré, le NRCO fonctionne comme un dispositif traditionnel par points, la pension de réversion fut alors organisée dans une logique radicalement nouvelle pour un régime complémentaire obligatoire.
Des droits à réversion désormais soumis à des conditions de ressources :
Avec la réforme, les commerçants découvrirent des règles de réversion inconnues jusqu’alors pour un régime complémentaire obligatoire.
Ainsi, le conjoint survivant ou le conjoint divorcé non remarié d'un commerçant a droit, à partir de 60 ans, à 60% des droits du décédé si les conditions suivantes sont remplies :
- Le mariage doit être en cours depuis au moins 2 ans à la date du décès à moins qu’un enfant soit issu du mariage.
- L’assuré doit être décédé à jour de ses cotisations complémentaires ancien et nouveau régime.
- La réversion n’est servie que si le survivant a cessé ses activités et liquidé ses droits de base et complémentaires obligatoires, tant personnels que dérivés.
- Le montant des pensions personnelles et de réversion versées au conjoint survivant par tous les régimes de base et complémentaires obligatoires est comparé à la limite maximum fixée chaque année par le conseil d’administration de la caisse nationale. Le montant de la somme en question est de près de 34 000 € par an pour 2009.
- Il est toutefois prévisible qu’il soit ramené en quelques années à un niveau comparable à celui exigé pour le régime de base (la moitié du plafond).
Ces deux dernières conditions s’avèrent très restrictives et conduisent inéluctablement à la suppression des droits à réversion pour beaucoup de conjoints survivants.
Elles remettent surtout en cause le principe d’assurance qui prévalait jusqu’alors pour les droits à réversion des régimes complémentaires.
- Le régime complémentaire des artisans lui a rapidement emboîté le pas
Les estimations établies par les actuaires faisaient ainsi apparaître deux chiffres inquiétants :
- L'épuisement des réserves du régime à partir de 2032,
- la détérioration du solde technique du régime (différence entre les cotisations et les prestations) qui à l'horizon de 2012 menaçait de devenir déficitaire.
En plus de l’inévitable hausse des cotisations, le régime mettait en place une solution originale de revalorisation différenciée des droits versés aux assurés.
La mise sous conditions de ressources instaurée pour les commerçants fut étendue aux artisans.
Ainsi donc, à compter du 1er janvier 2009, une condition de ressources fut instaurée dans les mêmes conditions que celles retenues pour le régime complémentaire vieillesse des commerçants relative à l’attribution et au service des pensions de réversion. Le plafond de ressources est fixé par la section professionnelle artisanale (la limite étant celle appliquée actuellement pour le NRCO des commerçants, soit près de 34 000 € par an).
3. La mise sous conditions de ressources : une solution tentante pour les pouvoirs publics
Dans ces temps de disette financière, la généralisation de cette solution aux autres régimes complémentaires, notamment celui des salariés et des professions libérales, peut paraître bien tentante.
Dans la perspective du rendez-vous retraite de 2010, il ne faut pas oublier que le Sénat avait en son temps appelé à cette solution.
Le rapport d’information établi en 2007 par le Sénat au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) sur les pensions de réversion semble en effet préparer les esprits à une profonde révision du dispositif.
Des mesures a priori plus favorables…
Le Sénat proposait ainsi de faire évoluer la pension de réversion au profit des personnes qui ne sont pas mariées, arguant en cela des changements de comportement de la population.
Cette position repose sur une confusion juridique dans la mesure où il ne tient pas compte de la différence - sur le plan du droit civil – entre d’une part le mariage et d’autre part le PACS ou le concubinage.
En effet, n’oublions pas que sur le plan du droit, le mariage constitue une union financière et patrimoniale entraînant une obligation d’assistance se traduisant en cas de:
* divorce : par une prestation compensatoire,
* décès : par une pension de réversion.
En étendant la pension de réversion à la situation de personnes non mariées, le législateur apporterait une confusion importante entre des situations juridiques très différentes dans leurs obligations. Il instituerait alors des droits nouveaux à des couples ne s’engageant pas dans les devoirs juridiques souscrits par les personnes mariées. Il prendrait alors le risque de rompre l’équilibre entre les droits et les devoirs juridiques établi entre les personnes selon leur statut matrimonial.
… mais qui cachent une profonde dégradation du système existant
Au-delà de certaines améliorations préconisées qui constituent plus des mesures accessoires voire dangereuses sur le plan de la cohérence juridique, le Sénat s’engage clairement dans une remise en cause des droits à réversion.
Cela se traduit de trois manières :
A – Il insiste clairement sur l’exigence de dégager des marges de manœuvre financières en revenant sur un certain nombre d’améliorations et de simplifications apportées par la Loi Fillon de 2003. On peut citer le rétablissement d’une condition d’âge dans le régime général ainsi que d’une condition de durée de mariage. La première mesure a d’ores et déjà été restaurée.
B – Mais au-delà, le Sénat envisage de faire varier le taux de la pension de réversion qui passerait ainsi de 40 % à 60 % en fonction du niveau de revenu de la personne considérée. Au-delà de la nouvelle complexité qu’introduirait cette règle, cette réforme aboutirait à conforter la logique redistributive de la réversion au détriment de son caractère contributif.
C - Enfin, le Sénat rappelle, sans se prononcer contre cette mesure qui relève du libre choix des partenaires sociaux, que le Conseil d’Orientation des Retraites a engagé une réflexion visant à introduire un critère de ressources pour l’attribution des pensions des régimes complémentaires Arrco et Agirc.
Il y a fort à parier que cette solution va être sur la table des discussions lors de la nouvelle étape retraite en 2010.
Si elle devait aboutir, cette évolution constituerait une remise en cause fondamentale du pacte social entre les générations ; les actifs actuels cotisant pour maintenir des droits à réversion au profit des retraités n’étant pas soumis aux critères de ressources. Cela alors même que leurs propres conjoints survivants ne pourraient y prétendre dans le futur.
Mais le meilleur reste pour la fin. En effet, alors que se prépare la mise sous conditions de ressources de l’ensemble des droits à réversion des salariés, artisans et commerçants (pour ces derniers, c’est déjà le cas depuis 2004 et 2007), rien n’est prévu pour les fonctionnaires.
En effet, alors que ces derniers bénéficient d’une pension de réversion qui est transmis au conjoint survivant quelles que soient ses conditions de ressources, rien de sérieux n’est envisagé pour aligner leur situation. Le Sénat évoque simplement la piste d’un plafonnement éventuel des plus hautes pensions gagé par un relèvement des retraites les plus modestes.
4. La mise en cause des réversions : une aubaine pour les experts-comptables qui veulent développer le conseil patrimonial
Comme nous venons de le voir, les jours de la pension de réversion, comme droit acquis permettant de transférer une fraction de sa pension au bénéfice de son conjoint survivant, sont comptés.
Cette situation constitue par contre une excellente opportunité pour les experts-comptables qui veulent développer le conseil patrimonial.
En effet, en alertant leurs clients sur cette évolution, les cabinets leur apportent une véritable valeur ajoutée.
Pour ceux qui hésitent encore, cette évolution importante de la réglementation doit conduire les cabinets d’expertise comptable à développer leurs compétences en matière de retraite et de prévoyance.
Ce marché va incontestablement constituer un véritable relais de croissance dans les années à venir !
Cette réflexion que vous portez sur la réversion des régimes supplémentaires nécessitent une véritable expertise des "droits à réversion" des contrats où l'épargne retraite est "aliéné" (Madelin, Perp,Percoi...)en phase de restitution.
Cette note nous amènent à nous interroger sur la "protection du conjoint survivant" à l'heure de la retraite.
Rédigé par : C Cyril | 30 nov 2009 à 20:01
Cette réflexion que vous portez sur la réversion des régimes supplémentaires nécessitent une véritable expertise des "droits à réversion" des contrats où l'épargne retraite est "aliéné" (Madelin, Perp,Percoi...)en phase de restitution.
De manière générale, cette note nous amènent à nous interroger sur la "protection du conjoint survivant" à l'heure de la retraite.
Rédigé par : C Cyril | 30 nov 2009 à 20:05