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La société PRECEPTA, filiale du Groupe XERFI, leader français des études sectorielles, vient d’achever son étude intitulée : La transmission d’entreprises, perspectives de croissance du marché, positionnements et stratégies des opérateurs.
Nathalie MORTEAU, directrice d’études chez PRECEPTA, dévoile en exclusivité pour Espace Innovation le contexte de ses recherches et les grandes tendances de cette étude sur la transmission d’entreprises, actuellement disponible à la vente.
Espace Innovation : Nathalie Morteau, quelques mots sur la société PRECEPTA :
N.MORTEAU : La société Precepta est la filiale du groupe Xerfi dédiée aux études stratégiques et concurrentielles.
La vocation de Precepta est d’apporter aux dirigeants d’entreprises des analyses stimulantes sur leur métier et leur environnement, dans le but de les aider à élaborer leurs décisions.
Les études de Precepta sont réalisées à sa seule initiative, ce qui assure aux analystes une totale indépendance et leur offre une grande liberté de ton.
Espace Innovation : Comment avez-vous réalisé cette étude ?
N.MORTEAU : Les informations présentées dans l’étude sont issues de plusieurs types de sources :
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Des bases de données internes : le groupe Xerfi réalise chaque année plus de 500 études sur les différents secteurs de l’économie. Cette connaissance fine des secteurs permet de donner une bonne vision des tissus industriels français.
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Par ailleurs, le groupe Xerfi publie régulièrement des études spécifiques sur chaque profession concernée par la transmission d’entreprises (les experts comptables, les avocats d’affaires, les réseaux bancaires, les notaires, etc.) ;
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La presse professionnelle, la presse généraliste et les sites des opérateurs ;
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Des entretiens avec des dirigeants…
Espace Innovation : Quelles sont les perspectives de croissance du marché à moyen terme ?
N.MORTEAU : Excellentes. Alors que plus de 45% des dirigeants ont 50 ans ou plus, dont 12% plus de 60 ans, le stock d’entreprises d’ores et déjà à céder peut être estimé à 200 000 dans l’Hexagone. L’accroissement du nombre de transmissions a d’ailleurs déjà commencé. Le dynamisme des fusions et acquisitions sur le segment des mid cap ces dernières années, avant bien entendu la crise financière, l’a montré.
Et avec l’arrivée en retraite de nombreux dirigeants, ce sont 500 000 entreprises qui devraient changer de mains dans les dix prochaines années.
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parmi elles, il y aura bien sûr, une majorité de petites sociétés. Le tissu économique français est en effet constitué à hauteur de 60% d’entreprises individuelles.
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les secteurs phares seront bien sûr les services aux particuliers et le commerce qui concentrent à eux deux plus de 70% des opérations de reprises. Il faut dire qu’ils totalisent plus de 40% du nombre d’entreprises en France.
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les régions Île-de-France, Auvergne et Lorraine seront en outre en avance sur la tendance (le nombre de dirigeants de plus de 50 et 60 ans y est en effet supérieur à la moyenne).
A moyen terme, ce boom profitera non seulement aux conseillers en fusions et acquisitions positionnés sur les mid cap mais plus encore aux multiples intervenants spécialisés auprès des TPE. Si, toutes les opérations ne sont pas réalisées via des intermédiaires (nombre de dirigeants d’entreprise transmettent leurs entreprises au sein de leur famille, au conjoint, à des relations…). Reste que tous les dirigeants auront tous au moins besoin des conseils des experts pour régler les questions pointues (fiscales, comptables, juridiques…).
Espace Innovation : Et à court terme, quel est l’impact de la crise financière ?
N.MORTEAU : Avec la crise actuelle, les écarts de dynamisme qui ont caractérisé les deux marchés (grandes entreprises / PME TPE) de la transmission d’entreprises ces dernières années vont se réduire. D’un côté, l’euphorie des opérations LBO et des fusions et acquisitions est révolue alors que les politiques de financement trop laxistes des banques ont montré leurs limites. De l’autre, la baisse des valorisations (qui avaient explosé conséquence notamment de la croissance des prix immobiliers) devrait favoriser les reprises dans certains secteurs à l’instar de l’hôtellerie, restauration…
Depuis mi-2007, le resserrement des crédits et l’accroissement des primes de risque ont en effet mis un coup d’arrêt aux megadeals et initié un retournement des LBO, après plusieurs années de surchauffe. Alors que la taille des deals était en forte progression, de même que les effets de levier et les LBO secondaires, tertiaires…
L’assainissement du marché est en oeuvre. Les syndications des financements, les participations de consortiums de fonds d’investissement sur des megadeals de plusieurs milliards de dollars se sont bien évidemment interrompues en premier.
La paralysie du marché interbancaire a ensuite encore accentué les resserrements des crédits et précipité la chute de l’ensemble du marché y compris sur le segment des petites capitalisations. Selon les données les plus récentes du CMBOR, les montants dédiés aux LBO sont en effet revenus au premier semestre 2008 au niveau de 1998. Quant à la taille des transactions, elle s’est effondrée. Au niveau mondial, le secteur bancaire a été la première source d’affaires pour les professionnels des fusions et acquisitions.
Et il faudra du temps, avant que la crise ne se résorbe. La multiplication des plans de sauvetage et des nationalisations destinées à éviter les faillites ont permis d’éviter le naufrage mais la confiance va mettre du temps à revenir.
Espace Innovation : Les banques vont-elles rester durablement sélectives ?
N.MORTEAU : Les banques vont rester d’autant plus sélectives que les risques progressent. Les perspectives de croissance économique à l’horizon 2010 et la situation financière actuelle laissent augurer un rebond des défaillances dans les années à venir. Le niveau élevé des prix de l’énergie, du cours de l’euro, la dégradation du pouvoir d’achat, le ralentissement de la croissance mondiale… sont autant de facteurs défavorables. Déjà en 2007 et au début de l’année 2008, ces dernières ont progressé alors que les conditions de crédits inter-entreprises notamment se sont durcies. Notre scénario prévisionnel anticipe une croissance plus particulièrement marquée dans les secteurs les plus touchés par les crises et chocs inflationnistes actuels : construction et immobilier bien sûr (dans un contexte de retournement de l’activité), commerce de détail (à l’heure où le pouvoir d’achat des ménages se dégrade, où les prix alimentaires s’envolent) et services aux entreprises (pénalisés par le ralentissement de la croissance économique).
Les entreprises transmises récemment seront d’autant plus affectées que les montages financiers réalisés ces dernières années sont plus tendus. Certes les conditions de financement ont été des plus favorables dans un environnement de faibles taux d’intérêt. Parallèlement toutefois, la part de l’endettement a progressé aux dépens des apports personnels et la valorisation des entreprises s’est fortement accrue.
A titre d’exemple, la hausse du marché immobilier a induit des croissances respectives de 88% et 62% des hôtels/hébergements et des restaurants entre 1997 et 2003 de la valeur moyenne des entreprises cédées. La croissance des effets de levier a en outre été particulièrement importante en ce qui concerne les opérations de LBO où la part des apports en fonds propres a fortement baissé au profit de la dette.
Espace Innovation : Comment s’organise la concurrence sur le marché de la transmission ?
N.MORTEAU : Le marché des deals de taille importante est structuré autour des spécialistes des fusions et acquisitions, celui des petites valorisations est opaque et désorganisé. S’y côtoient en effet de nombreux intervenants privés comme publics aux diverses expertises et niveaux de compétences.
Les acteurs, positionnés sur les petites valorisations, doivent ainsi faire face à la « concurrence » des multiples acteurs de la sphère publique à l’instar des chambres de commerce, des chambres des métiers et de l’artisanat… Compte tenu des enjeux régionaux en termes d’emplois des nombreuses transmissions à venir, ces organismes proposent de plus en plus de conseils, formations… et constituent des réseaux d’aide à la transmission à l’instar de « passer le relais », « entreprendre en France »…
Ces multiples intervenants contribuent à l’opacité du marché et proposent des niveaux de prestations de conseil disparates qui participent à l’appréhension des dirigeants. Les données sont d’ailleurs sans appel : près d’un tiers des entreprises individuelles disparaissent, peu de transmissions sont préparées et les taux de défaillance sont élevés.
Espace Innovation : Observe t-on une intensification de la concurrence ?
N.MORTEAU : La crise financière va laisser d’importantes traces sur la structure de la concurrence. Les faillites et rachats des plus prestigieux noms de la banque d’affaire américaine vont tout naturellement modifier le palmarès des fusions et acquisitions. Sur le segment des petites capitalisations en revanche, la donne ne sera pas modifiée.
Au-delà, l’attentisme actuel des établissements bancaires, ne constitue qu’une pause compte tenu du stock d’entreprises à céder. La concurrence s’était d’ailleurs fortement intensifiée sur tous les segments du marché ces dernières années.
Les opérations de taille moyenne ont particulièrement suscité les convoitises. Il n’est plus rare de voir apparaître des grands noms anglo-saxons de la banque d’affaires dans les league tables des opérations mid cap. Certains professionnels se sont en outre spécialisés sur la valorisation des entreprises. A titre d’exemple, Capival et Fairvalue ont pour cible les PME/ PMI et offrent des prestations à des tarifs inférieurs à ceux des grands cabinets d’audit.
Espace Innovation : Et sur le segment des petites entreprises ?
N.MORTEAU : Le marché des petites entreprises est également le théâtre de nombreuses offensives.
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alors que celui-ci est particulièrement désorganisé et atomisé, qu’il n’existe pas de bourse nationale regroupant les offres et demandes de cession, Internet est apparu comme un support idéal pour mettre en liaison des cédants et repreneurs à des tarifs très attractifs. De nombreux sites ont ainsi été créés proposant la mise en ligne d’annonces et des services annexes : mise en relation, informations, liens avec des experts…
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les réseaux des banques sont également de plus en plus volontaristes. Ces derniers entendent profiter de la densité de leur maillage, avantage concurrentiel certain pour capter la clientèle des futurs cédants. Ils mettent ainsi les chargés de clientèle et les centres d’affaires à contribution pour sensibiliser les dirigeants prochainement en âge de céder leur affaire, leur conseiller de préparer l’opération pour en augmenter les chances de succès, les informer sur les démarches à suivre…
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de même, les experts-comptables, interlocuteurs privilégiés des PME et TPE, misent sur la manne des transmissions pour accroître les revenus de leur branche « conseil ». Et pour cela, ils se positionnent notamment au centre du processus et travaillent en collaboration avec les autres experts impliqués dans une transmission : avocats, notaires, assureurs (pour les aspects protection sociale…).
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les avocats sont également poussés à coopérer avec les autres intervenants (banques, experts-comptables, notaires…) qui proposent de plus en plus de prestations juridiques et empiètent sur leur territoire.
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enfin, les cabinets spécialisés sur la transmission de petites entreprises (constitué parfois d’un seul conseiller) sont également de plus en plus nombreux. Certains se constituent en réseaux à l’instar d’Eurallia pour partager savoir-faire et mutualiser les coûts. Ces derniers proposent des offres adaptées suivant la taille des entreprises (dont le chiffre d’affaires peut être inférieur à 500 k€ ou supérieur à 10 millions d’euros).
Espace Innovation : Le mot de la fin ?
N.MORTEAU : Pour finir, il ne faut pas négliger les aspects psychologiques et relationnels liés à la transmission, au-delà des notions de confidentialité, de confiance, etc. « Aller au-devant » des dirigeants est décisif. Le processus de transmission d’une entreprise est en effet complexe et revêt une dimension psychologique et personnelle pour le cédant qui le pousse souvent à reculer l’échéance voire à ne pas chercher de repreneur. Dans un contexte conjoncturel défavorable, soutenir les cédants et les aider à préparer la transmission peut en outre permettre de réduire les risques de défaillances. Un élément important à prendre en compte pour tous les opérateurs impliqués dans la transmission d’entreprises.
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