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« Service compris », sorti en 1986, avait défrayé la chronique. Ralph HABABOU revient aujourd’hui avec "Service gagnant - les secrets des entreprises qui créent la différence". Il animera dans une semaine la 1ère rencontre de l’innovation dans les cabinets d’expertise comptable organisée par le GIE Espace Innovation.
Le thème de cette journée : Votre cabinet est-il condamné à se battre sur le PRIX ? Ou plus précisément « Quel service gagnant dans les cabinets d’expertise comptable ? » [Télécharger l'invitation].
En avant-première, rencontre avec cet expert qui intervient dans les plus grandes entreprises françaises et européennes...
Espace Innovation : Comment expliquez-vous l’engouement suscité par votre premier livre Service compris ?
Ralph HABABOU : J’ai été le premier surpris par le succès de ce livre auquel personne ne s’attendait, je ne me l’explique toujours pas ! On peut penser qu’il s’agissait d’un bon produit sorti au bon moment.
Le proverbe chinois d’ouverture « L’homme qui ne sourit pas ne doit pas ouvrir boutique » résume à lui seul toute la philosophie du commerce. Le service était perçu comme « la cerise sur le gâteau » : il suffisait de vendre de bons produits avec le sourire et d’assurer un service après-vente de qualité pour que les clients affluent. Le sous-titre du livre était d’une effroyable banalité mais reste toujours d’actualité : les clients heureux font les entreprises gagnantes !
Espace Innovation : Qu’est ce qui a changé en 20 ans ?
RH : La recette du succès s’est compliquée. Le client était roi, il est devenu un dictateur qui a clairement pris le pouvoir. Vendre un bon produit avec un bon service ne suffit plus. Pour être compétitif, il faut désormais comprendre exactement ce que veut le client et le prix qu’il est prêt à payer. Deux mots ont tout bouleversé : high-tech et low-cost. Le premier facteur qui, tel un tsunami, a transformé et bouleversé aussi bien nos organisations que la relation au client est la révolution « high-tech » et l’émergence, dans toutes les facettes du business, d’Internet et des nouvelles technologies de l’information.
Un exemple parmi des milliers : comment une agence de voyage traditionnelle, avec ses brochures imprimées six mois à l’avance, peut-elle encore lutter contre un site en ligne qui, outre des offres promotionnelles mises à jour en temps réel et des disponibilités immédiates, propose des vidéos et des visites virtuelles des hôtels et des lieux touristiques, ajuste ses prix en permanence en fonction du taux de remplissage (yield management) ?
L’autre phénomène intéressant et tout aussi dévastateur est le « low-cost ». Internet lui a permis de se développer en réduisant le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur et en rendant l’information accessible au plus grand nombre.
En 2007, le constructeur automobile Peugeot a mis en vente 96 modèles 1007 avec un prix réduit sur le site vente-privée.com : en une seule journée, 61 voitures ont trouvé acquéreur. Les concessionnaires de la marque n’en sont toujours pas revenus. Dans tous les secteurs, il existe désormais une entreprise ou une offre low-cost qui tire les prix vers le bas. Pour s’en sortir face à une telle concurrence, il faut soit vendre encore moins cher, ce qui n’est pas toujours possible, soit en donner plus pour justifier la différence de prix. En ayant toujours en tête qu’un mauvais service coûte toujours trop cher alors que certains clients sont prêts à payer pour bénéficier d’un vrai service et d’une assistance de qualité.
Espace Innovation : Ce que vous appelez le « phénomène de sablier » ?
RH : En effet, le point commun à toutes les entreprises qui veulent s’en sortir dans un contexte d’offre standardisée, banalisée et mondialisée face à une concurrence de plus en plus acharnée : la nécessité impérieuse de créer la différence. Deux solutions : créer la différence par le bas en baissant les prix, ou par le haut en misant sur l’innovation, les services ou le fait de donner du sens à l’acte d’achat.
L’évolution du critère prix devient une tendance lourde sur tous les marchés. La sensibilité au prix est très forte sur le bas des marchés et, à l’inverse, tout en haut, il y a une explosion des marques, des produits et des services de luxe pour lesquels la préoccupation prix disparaît ou s’atténue. D’autres valeurs prennent le dessus : le show off, le statut social, l’image, la valeur ajoutée, la simplicité, la rapidité, l’émotion, etc. Dans certains cas, et c’est aussi une nouveauté, les mêmes clients demandent des services à valeur ajoutée sur mesure et, sur certaines typologies de besoins, des produits basiques de type «low-cost».
La technologie a bien aidé à rendre les prix encore plus transparents ; beaucoup de chefs d’entreprises paieraient cher pour voir disparaître les sites comparateurs de prix. Le système d’achat était auparavant de type pyramidal : dès qu’il le pouvait, le client prenait le produit immédiatement plus cher. L’arbitrage se fait maintenant par le prix, vers le haut et vers le bas. Conséquence : les marchés s’effondrent globalement par le milieu. C’est une des nouvelles tendances du client identifiées parmi d’autres.
Espace Innovation : ...Et dans les cabinets d’expertise comptable, ces observations sont elles judicieuses ?
RH : Je ne vois pas pourquoi les cabinets d’expertise comptable échapperaient à la règle même s’il faut tenir compte de spécificités propres à leur secteur. La confiance attachée à son expert-comptable et la proximité protégent encore les « petits » cabinets. Si le phénomène décrit précédemment est plus lent chez les experts-comptables, il n’en est pas moins valable ! Tout secteur d’activité qui évolue dans une logique de marché est confronté à la même pression de son environnement. Celle-ci est plus ou moins forte en fonction des particularités liées au secteur d’activité (réglementation, formation, marché atomisé, etc.). L’ouverture à la communication des cabinets est un signe fort qui devrait accélérer le processus.
D’après moi, il existe de réelles opportunités pour les cabinets de plus petite taille. Dans les grandes officines, le conseiller sera toujours attaché à « la marque de son enseigne » alors que l’expert-comptable indépendant s’investit personnellement comme un entrepreneur. Cet atout n’échappera pas à certains dirigeants qui recherchent avant tout un conseil personnalisé.
Pour autant et comme le décrit parfaitement bien l’étude réalisée par votre GIE en Septembre 2007, le cabinet médian (tout type de mission pour tout type de client...) s’expose à de gros problèmes tel le droguiste des années 70. Dans un environnement de marché, il risque de se faire attaquer de toutes parts y compris par de tous petits cabinets spécialisés (spécialisation sectorielle ou compétence technique dans un domaine).
Je cite souvent cette phrase de l’ancien PDG de BMW : « Demain, ce ne sont pas les gros qui vont manger les petits mais les rapides qui vont manger les lents ». Pour les cabinets, c’est pareil : ils doivent se positionner sur l’échiquier du marché, innover, se spécialiser,... et surtout développer un véritable service de proximité en mettant en valeur leurs prestations. Si je me souviens bien de votre étude, il y est indiqué que les clients ont tendance à juger le cabinet en se basant seulement sur 10% des missions réalisées. Même si c’est dur à admettre, c’est pourtant la réalité. Il faut donc mettre en valeur le conseil en le formalisant, en communiquant, et, surtout, en dégageant du temps pour mieux le vendre aux clients.
Espace Innovation : D’après vous, comment se dessine l’avenir des entreprises françaises ?
RH : Je déplore de rencontrer de nombreuses entreprises qui continuent à piétiner dans l’ordre au lieu d’avancer, et tant pis si c’est un peu dans le désordre. Combien de magnifiques réunions où des tas de gens intelligents réfléchissent au lieu d’agir et font tout pour éviter l’échec.
Ceux qui n’ont jamais connu d’échec ne sont pas les plus brillants, ce sont simplement ceux qui n’ont jamais pris le moindre risque. C’est dommage, car nos entreprises sont les mieux armées pour créer la différence par le haut. La France possède la capacité d’innover : le talent, l’imagination et la créativité. Nous ne serons jamais les champions du low cost, car ce sont plutôt les entreprises germaniques (Lidl, Aldi, etc.) ou anglo-saxonnes (Ryanair, Easyjet, etc.) qui mènent la danse dans ce domaine.
Le facteur humain y est réduit au minimum et les patrons n’ont aucun état d’âme pour réduire les coûts et parvenir à vendre toujours moins cher. Au lieu de nous plaindre des conditions sociales auxquelles nous sommes habitués et que personne ne songe aujourd’hui à remettre en cause, utilisons-les comme un levier pour demander à nos collaborateurs de donner le meilleur d’eux-mêmes, d’en faire plus et de mettre tout leur talent au service du client. C’est la méthode la plus sûre pour défendre notre emploi face aux indiens et chinois qui ne demandent qu’à récupérer les jobs de nos enfants.
Un exemple : nous avons le meilleur produit du monde en matière touristique puisque la France est la première destination mondiale. Pourtant, combien de serveurs dans les restaurants parlent encore mal l’anglais ou d’hôteliers qui continuent de proposer aux touristes asiatiques un café-crème avec croissant le matin alors qu’ils préfèrent déguster une soupe ? En investissant ne serait-ce que 10% de l’énergie consacrée actuellement à tailler dans les coûts, à améliorer l’accueil et le service au client, le résultat de nombreuses entreprises en serait tout simplement transformé.
Espace Innovation : Un dernier mot ?
RH : Juste pour vous citer la phrase de Jean Giono qui ouvre Service gagnant et qui, pour moi, résume mieux qu’un long discours le choix auquel nous sommes confrontés : «Nous voulons de la place au soleil - c’est normal mon garçon ; alors, fais du soleil au lieu de chercher à faire de la place».
Ralph HABABOU
Cabinet PB<>RH
[email protected]
http://www.pbrhconseil.com
Ecoutez l’interview de Ralph HABABOU sur BFM (podcast)
Ralph Hababou, Éléments biographiques
Ralph Hababou a 47 ans, et est diplômé de l'ESSEC (promotion 82).
Après ses études, il a passé près de deux ans à l'étranger, au titre de la coopération, en tant qu’Attaché Commercial auprès de l'Ambassade de France à Milan, en Italie. A son retour en France, il a démarré sa vie professionnelle chez IBM, où il a été Ingénieur Commercial pendant trois ans.
Le livre Service compris est sorti en février 1986, et s'est vendu à ce jour à plus de 500 000 exemplaires, ce qui correspond à 60 tirages successifs, déjà traduit en italien et en portugais, et publié en format de poche aux Éditions Marabout.
Ralph et son co-auteur ont réalisé à ce jour plus de 1 200 conférences en France et en Europe réunissant 950 000 participants, et ont créé en 1987 PB◊RH Conseil, une entreprise de conseil et de formation ayant pour but de mettre concrètement en application les idées du livre. Leur produit de formation «Service Plus® - L'État d'Esprit Service» a permis de former plus de 300 000 personnes dans des entreprises comme Citroën, Elf, EDF GDF Services, Carrefour, France Télécom, Parc Astérix, Compagnie Générale des Eaux, Printemps, Inno, Manor, Monoprix, Caisses d'Épargne, Crédit Agricole, etc.
Leur second livre Dinosaures & Caméléons paru en avril 1991 aux éditions Jean-Claude Lattès, déjà traduit en italien et en espagnol, s'est vendu à plus de 45 000 exemplaires.
En 1994, ils décident d'allier la théorie à la pratique en introduisant en France le concept d'espresso bar développé avec succès en Amérique du Nord. L'enseigne qu'ils ont créée, Columbus Café®, exploite actuellement en propre vingt-neuf points de vente en France et emploie cent quarante personnes. Elle a été revendue à des financiers.
Après avoir racheté 100% de PB◊RH Conseil début 2005, Ralph Hababou a mené une vaste étude intitulée «Service compris, quoi de neuf ?» et rencontré plus d’une centaine de responsables d’entreprises pour évaluer ce qui a changé dans le domaine de la satisfaction client, et voir comment les entreprises se sont adaptées à un client dont les exigences sont en perpétuelle évolution. Ce qui lui a permis d’écrire son nouveau livre intitulé Service gagnant - Les secrets des entreprises qui créent la différence paru aux Éditions First en février 2007.
Bravo pour cette initiative le thème est intéressant. Le service devient stratégique pour nos cabinets devenus de vraies entreprises. Je serai là le 18 pour saluer Didier et Bruno. Michel.
Rédigé par : Michel | 12 jan 2008 à 11:49