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Espace Innovation : Gilles GAMBARO, bonjour. Vous êtes le nouveau président national du Club des Jeunes Experts comptables et Commissaires aux comptes, connu sous le nom de CJEC. En deux mots, à quoi sert le Club ?
Le CJEC a pour objectif de représenter, d’informer et d’aider, d’une part les mémorialistes et jeunes diplômés en phase de réflexion sur leur futur mode d’exercice et d’autre part, les jeunes professionnels ayant fait le choix de l’exercice libéral sous quelque forme que ce soit – création ex-nihilo en solo ou en association, rachat de cabinet ou de clientèle, association avec un/des aînés sans objectif de cession.
EI : Quels sont les arguments forts pour convaincre vos jeunes confrères nouvellement installés ou associés, de vous rejoindre ?
Trois évidences dont les réponses ne se trouvent qu’au Club :
1. Rompre l’isolement dans lequel se trouve le jeune diplômé. Ce diplôme pour lequel nous avons tant travaillé n’est pas une fin en soi. C’est un départ et ce départ suscite de nombreuses questions : - Comment optimiser mon diplôme ? - Pour quelle forme d’exercice suis-je fait ? – Exercice libéral, oui mais à quel prix ? Comment ? Puis le pas franchi, de nouvelles interrogations se font jour : - Quel financement ? Quels outils ? - Sur quels axes me développer ? - Quand et comment recruter le premier collaborateur ? etc, etc... Toutes ces questions trouvent une réponse personnelle au sein de la réflexion collective qui est menée depuis 1983 par les membres du CJEC entre autre, au cours des dîners mensuels organisés dans chacune des 18 régions CJEC.
2. Développer son relationnel de génération, incontournable dans nos professions libérales. Nous ne pouvons pas développer, seul, dans notre coin, notre petit cabinet en étant replié sur nous-même. Nous avons tous des domaines de prédilection – sans parler de début de spécialisation pour certains – ne serait-ce que par le sujet de notre mémoire. C’est ce réseau, ce maillage de compétences, indispensable à un exercice efficient, qui se forge au Club.
3. Enfin, bénéficier des partenariats du CJEC. Les jeunes diplômés qui s’installent (création ex-nihilo ou rachat de clientèle/cabinet) sont confrontés à une offre pléthorique de produits. Sélectionner le produit adapté à son besoin est d’une part chronophage et d’autre part, sans garantie d’exhaustivité, à un moment où l’activité professionnelle doit être entièrement consacrée au développement commercial et à la production. De plus, l’isolement du jeune professionnel limite son analyse. Il a besoin d’échanger avec d’autres jeunes experts sur les choix qu’il envisage. Le choix du produit impacte fortement la pratique professionnelle. Le jeune professionnel est à la recherche des produits novateurs adaptés à l’exercice de demain. Enfin, la période d’installation demande d’importants efforts financiers et le jeune expert-comptable est à la recherche de la meilleure offre au meilleur prix. Pour l’ensemble de ces raisons, le CJEC construit de réels partenariats sur des offres d’acquisition sélectionnées, testées et négociées par les membres du Club et répondant aux besoins spécifiques du jeune professionnel, comme c’est le cas avec RC&A par exemple.
EI : Vous organisez un congrès national tous les deux ans appelé « Les Estivales ». Le dernier vient de s’achever dans le cadre verdoyant du Relais du Bois de Boulogne : quels constats faites-vous ?
Tout d’abord, nous sommes de plus en plus nombreux. Les 18% d’augmentation de la fréquentation des Estivales 2007 correspondent à la croissance de nos adhésions et confirment notre percée.
Ensuite, de nombreux élus de la profession ont répondu présents à notre invitation. Au delà de la nécessité pour nos instances de se rapprocher des jeunes, compte tenu des importants enjeux du papy boom qui n’épargnent pas plus notre profession que les autres, nous avons la coquetterie de penser que notre représentativité et nos propositions interpellent nos dirigeants.
Pour continuer, nous avons démontré une fois de plus, qu’un programme concret et pragmatique proposant des outils n’excluait pas une véritable réflexion prospective pour peu que celle-ci soit affranchie des poncifs et du « politiquement correct ». La plénière d’ouverture sur les pratiques innovantes à laquelle RC&A a participé en est un criant exemple.
Enfin, je terminerais par l’excellent travail de nos partenaires qui ont su proposer dans un programme transversal, non seulement un savoir faire et des outils pratiques réellement en phase avec les besoins des jeunes professionnels, mais aussi un feed back sans fard de l’état actuel de notre profession et de son obligatoire évolution. Les échanges directs et constructifs ont mis en évidence l’intérêt de tous pour l’avenir de la profession mais aussi l’inquiétude à exercer le métier dans un environnement très changeant, trop changeant.
Ces quatre constats nous confortent dans notre positionnement et notre travail d’organisation représentative des jeunes professionnels.
EI : Nous menons actuellement avec RC&A et Avensi Consulting, une étude sur le marché du Conseil. En moins de 48h00 nous avons déjà collecté 200 questionnaires en ligne. A l’unanimité, vos confrères estiment que la Profession entre de plein pied dans une logique de marché et de concurrence. En revanche les avis sont tranchés sur la vitesse d’exécution. La moitié estime que ce sera rapide, l’autre que ce sera lent ! Qu’en pense le Président du CJEC ?
J’ai le sentiment d’une accélération dans l’évolution de notre métier, tant en expertise qu’en commissariat aux comptes.
Beaucoup de production de textes législatifs (fiscal, social et même comptable avec la convergence vers les IFRS) implique beaucoup de formation pour se maintenir à niveau.
La volonté des pays de garantir la sécurité financière amène des réformes sur nos normes de travail.
Enfin, les technologies de l’information permettent aujourd’hui le télétravail partout dans le monde et ouvrent ainsi les portes de la délocalisation.
En prenant du recul, on constate que la concurrence a toujours existé dans la profession. Mais les changements que j’ai évoqués bousculent les habitudes.
Il est important de veiller à la qualité de nos prestations et le respect des règles de concurrence loyale, d’informations et de transparence.
Une évolution rapide vers une dérégulation totale et incontrôlée serait dangereuse. Toute l’image de la profession serait pénalisée. Cela irait à l’encontre du but recherché, à savoir effectuer un travail de qualité destiné à garantir la qualité de l’information financière.
EI : Dans ce contexte, quelles sont les sources d’opportunités pour les jeunes confrères qui se lancent ?
Il faut avoir une stratégie claire et reconnaître les limites de nos compétences.
Que l’on soit généraliste ou spécialisé dans un domaine, nous devons être irréprochables dans notre compétence technique, nous devons être à l’écoute de nos clients et nous devons cultiver notre relationnel de génération. Exercer seul ne signifie pas être isolé. Les jeunes confrères doivent développer leur réseau relationnel afin de mailler leurs compétences avec d’autres professionnels. C’est notamment un des objectifs du CJEC.
L’expert-comptable généraliste peut communiquer sur toute la palette de ses compétences au delà de la comptabilité de base. De même, celui qui choisit de se tourner vers les nouveaux marchés qui s’ouvrent à la profession, comme notamment le secteur public devra acquérir des compétences adaptées pour se positionner sur ce marché et le faire savoir.
EI : Parmi les menaces évoquées par les répondants à notre étude, « la concentration et le rapprochement des cabinets arrivent en tête ». Comment doit se positionner le jeune confrère nouvellement installé face à ces futurs mastodontes ?
Deux possibilités s’offrent aux jeunes :
- la spécialisation dans une niche de marché que ne couvrent pas ces grands cabinets,
- construire un réseau informel afin de mettre en commun des moyens techniques et humains et former ainsi un courant d’affaires (accompagnement et culture d'entreprise).
Dans les deux cas, cette proximité auprès des clients, donc auprès du marché choisi, doit garantir une plus grande réactivité.
Le danger serait de vouloir lutter face à ces « géants » sans différenciation.
EI : On dit souvent que dans un secteur où l’offre de base commence à se banaliser, l’innovation par le service permet de faire la différence ? Etes-vous d’accord et si OUI, c’est quoi le service dans un « petit » cabinet aujourd’hui ?
Comme je l’ai dit, la différenciation par une offre de services complémentaires au métier de base est un moyen de développer son chiffre d’affaires auprès de ses propres clients mais aussi de se faire connaître et donc d’en conquérir de nouveaux.
Il ne faut pas être passif et se retrouver avec une question du type : « J’ai pris un contrat X ; qu’est ce que vous en pensez ? » Il est alors trop tard pour conseiller et vendre cette mission de service.
De manière active, nous pouvons par exemple, proposer à nos clients un accès Web, une présentation plus lisible des comptes (bilan imagé), un accompagnement sur des solutions de couverture sociale, d’optimisation fiscale, de transmission...
Ces missions pourront être réalisées avec des intervenants extérieurs pour autant que : - notre carnet d’adresses soit suffisamment riche pour proposer le spécialiste répondant à la demande de notre client, - nous soyons certains de la qualité de l’intervenant que nous avons proposé et ceci suppose de l’avoir « testé » à plusieurs reprises, - nous gardions la maîtrise de la relation c’est-à-dire que nous ne nous « débarrassions » pas de la mission auprès de l’intervenant mais que nous soyons capable d’en assurer un suivi. Cette démarche suppose du temps qu’il faudra savoir facturer.
EI : Vos confrères semblent unanimement convaincus de la nécessité de développer le service à la TPE et considèrent ce projet comme le plus important... et pourtant, quand on les interroge, l’organisation de la production semble marquer leur priorité. N’y a-t-il pas aujourd’hui un paradoxe entre les préoccupations du client et celles du cabinet !!!
L’expert-comptable réagit encore beaucoup trop comme un technicien. Ce phénomène est aggravé par l’inflation législative des textes évoqués précédemment.
Nous pensons trop souvent à « remplir nos agendas » et non pas à dégager du temps pour travailler différemment, notamment construire des solutions répondants aux sollicitations les plus fréquentes de nos clients ou encore former des assistants spécialisés.
EI : Le conseil représente une faible part des honoraires d’un cabinet... depuis le temps que l’on en parle, existe-t-il vraiment un marché ? Et si oui, pourquoi les cabinets peinent-ils autant à développer cette partie de leurs honoraires ?
Certains estiment le marché du conseil à un potentiel de 15% supplémentaire de CA.
Mais comment vendre ces missions alors que l’on nous a appris à DONNER des conseils. C’est toute la démarche commerciale et marketing qui est à revoir.
Quand on se remémore que l’on a passé 99% de notre temps de formation sur du technique alors que nous sommes des chefs d’entreprises, il ne faut pas s’étonner que l’on peine à vendre !
EI : Les experts-comptables manquent cruellement de temps ! Gilles GAMBARO, quand un client dans le service sollicite votre conseil parce que sa masse de travail occupe ses équipes à 110% de leur temps ; vous lui conseillez généralement d’embaucher. Pourquoi les cabinets n’appliquent-ils pas les mêmes recettes en interne ?
Mêmes causes, mêmes effets ! L’encadrement et le recrutement ne sont pas notre point fort. Là encore nous sommes de bons techniciens mais certainement pas des managers d’hommes.
De plus, notre connaissance du droit social et de la difficulté à licencier en cas de retournement de conjoncture, freine les embauches. C’est indéniable dans notre profession même si cela n’est pas le premier point.
EI : Depuis les années 80 la demande des prestations traditionnelles ne cesse d’augmenter. Dans notre enquête, plus de la moitié des répondants pensent que ça va continuer... chez RC&A nous ne sommes pas loin de penser la même chose... les experts-comptables n’ont jamais eu autant de travail que cette année... les logiciels de facturation marchent à plein pot ! Dans ce contexte, « concurrence, service, communication » ne sont-ils pas des courants porteurs pour animer les séminaires, conventions et congrès ?... loin de ces cassandres, l’expert-comptable n’est-il pas en fait protégé par la lourdeur de l’administration fiscale et la cohorte de tâches quotidiennes dont les TPE ne veulent pas s’occuper ?
Depuis longtemps, on annonce la mort de la mission de tenue et son remplacement par de la supervision.
C’est, à mon sens, oublier que 80 % des entreprises sont des TPE, que leur taille ne permette pas d’embaucher un comptable à un coût inférieur aux prestations d’un expert-comptable.
Je pense également qu’un chef d’entreprise doit se concentrer sur son cœur de métier et ne pas essayer de tout faire, notamment la comptabilité.
En revanche, je ne vous rejoins pas sur les lourdeurs fiscales qui nous protégeraient. Je pense au contraire, qu’elles sont un réel frein pour l’expert comptable car elles pénalisent la rentabilité. En effet, il est difficile d’augmenter les honoraires pour des prestations qui n’apportent pas de valeur ajoutée à l’entreprise. Nous ne devons pas être des « remplisseurs de liasses et déclarations fiscales » mais bien apparaître comme le premier interlocuteur conseil du chef d’entreprise.
EI : En terme d’organisation, on parle de plus en plus de cabinet étendu, de logiciels ASP. Les cabinets ont un mal fou à organiser les petites entreprises depuis toujours... Combien de kits d’organisation restés dans les placards. Ces nouvelles technologies vont-elles enfin rendre le client organisé, où le tableau de bord mensuel restera t’il encore longtemps un mythe ?
L’informatique n’est qu’un outil. Un client désorganisé ne va pas brusquement être rigoureux grâce à une machine. Bien au contraire, les technologies de transmission (mail, tel portable) l’incitent à agir au dernier moment.
Il faut donc avoir une démarche permanente pour faire respecter l’organisation et les délais à nos clients.
En revanche, ces mêmes technologies vont nous permettre de restituer à notre client de l’information à tout moment (comme consultation banque via Web) ou de réaliser des déclarations à sa place (téléprocédures) et donc d’être encore un peu plus proche et indispensable.
EI : Gilles GAMBARO, avez-vous un message à faire passer aux nombreux confrères nouvellement installés ?
Ne restez pas isolés et ne vous enfermez pas dans votre métier.
Je suis conscient que cela est plus facile à dire qu’à faire lorsque l’on débute et que les fins de mois sont difficiles.
Mais le temps que vous investirez dans cette ouverture vers l’extérieur sera très vite rentabilisé. Mutualisez les coûts et les connaissances, formez-vous, différenciez-vous. C’est autour de ces réflexions que nous échangeons et que nous partageons nos expériences au Club. Et si ce n’est déjà fait, rejoignez-nous au CJEC. L’engagement collectif est source de solutions personnelles !
Gilles GAMBARO : Merci.
Propos recueillis par Jérôme CLARYSSE, Président de RC&A et membre fondateur d’Espace Innovation
CJEC, Le Club des Jeunes Experts-comptables et Commissaires aux Comptes
92, rue de Rivoli – 75004 – PARIS – 01 42 72 73 72
[email protected]
http://www.cjec.org/
Merci à Gilles Gambaro et Jérôme Clarisse. Les grands problèmes de la profession sont bien posés dans cette interview. Mais hélas peu de réponses sont vraiment en marche : la réforme des études est incontournable. L'expert comptable traite et vend de l'information à longueur de journée, et la part études informatiques et commerciales est inexistante dans son diplôme. Comment vendre du service conseil et non pas "donner des conseils" est aussi un sujet bien posé et capital.
Enfin rompre l'isolement et le côté individualiste de l'expert comptable est la seule issue. A quand les nouvelles mobilisations collectives de la profession ? La révolution Internet et des services "en ligne" justifierait plus de débats publics dans nos instances. Le travail en réseau, comme initié sur itoolnetwork.com dont je suis cofondateur est aussi capital et le seul garant de pérennité des petits et moyens cabinets.
Je profite donc gentiment de votre tribune pour vous y inviter.
bien cordialement à tous
Rédigé par : Michel Louchart | 12 juil 2007 à 11:16
Merci pour cet entretien riche en informations et en ouverture sur les évolutions possibles et sûrement nécessaires. J'ai noté que le métier, notamment sur les missions de base, continue à progresser (bonne nouvelle) mais d'un autre côté les experts comptables sont fortement "limités" sur ces mêmes missions s'ils ne développent pas des missions de conseil à leurs clients. La question est : comment développer les compétences commerciales, l'écoute du client, le management des hommes ? Je crois que comme beaucoup d'entrepreneurs, l'expert comptable d'une structure réduite fait tout, il est débordé. A quand des works shop pour travailler sur les thèmes de la communication, la gestion du temps, le management ? Je serai ravie de lancer et de faire partie de tels ateliers.
A bientôt
Rédigé par : NPC | 13 juil 2007 à 19:22
"Nous pensons trop souvent à « remplir nos agendas » et non pas à dégager du temps pour travailler différemment, notamment construire des solutions répondants aux sollicitations les plus fréquentes de nos clients ou encore former des assistants spécialisés".
Je pense que cette vision là est celle de la réussite !
Bravo Gilles.
Rédigé par : Martine Joulia-Cubizolles | 07 août 2007 à 15:21